J’avais découvert Léopold Chauveau l’année dernière pendant le confinement et j’avais regretté amèrement de ne pas pouvoir faire profiter les enfants de cet artiste original et profond, tant sculpteur, dessinateur et écrivain – pédagogue innovant avant l’heure dans ses albums de littérature enfantine – régalant les amateurs d’art de ses petits monstres sculptés ou dessinés, où humour et talent se conjuguaient.
Et puis cet été je découvre que l’exposition est prolongée jusqu’au 16 septembre ! C’est un peu juste pour mettre les enfants dans le coup ! Mais c’est jouable ! J’imagine facilement que notre année risque de vivre de nouveaux confinements ! Cette petite ouverture est à saisir ! Je m’en empare avec joie et présente le personnage, son œuvre et ses livres aux enfants ! Et quel enchantement ! Ils adorent les petits monstres et sont fans de sa littérature !!! Nous nous plongeons tous les après midi dans les catalogues, les albums et le jour J les enfants sont excités comme des puces à l’idée de filer au Musée d’Orsay et de passer un bon moment avec le nouvel Héro de l’année : Léopold Chauveau !! Il fait un temps sublime, Paris est rayonnant de lumière, les parents, masqués, sont si contents de reprendre le chemin des expositions – dans un semblant de normalité- et la petite troupe est folle de joie de prendre le car et de se précipiter dans un Musée magnifique qu’ils n’ont jamais exploré pour « rencontrer » leur nouvel ami dans une exposition faite pour eux, délicieusement ludique, follement d’avant-garde et joyeuse !
Mais qu’avaient donc aimé les enfants en découvrant avec moi Léopold Chauveau, sa vie et ses petits monstres :
Les monstres de Chauveau sont parfois tordus, étonnés, tristes pour certains, drôles pour d’autres, en aucun cas effrayants ! Mais ils sont touchants et fascinants. Sculptures, dessins, aquarelles, contes pour enfants, plongent dans l’atypique et l’imaginatif.« Léopold Chauveau raconte qu’il était fasciné par les monstres et ce qui le fascinait c’est qu’ils étaient accolés à la beauté, à l’harmonie, notamment dans les cathédrales et les églises médiévales, explique Leïla Jarbouai, conservatrice des arts graphiques au musée d’Orsay et co-commissaire de l’exposition. « Chauveau parle aussi de monstres chinois et japonais. Et il évoque le monde merveilleux de l’enfance et des livres d’enfance, Les fables de La Fontaine, qui l’ont beaucoup marqué, ou les Contes de Perrault ».
Chauveau aimait cet univers où les animaux parlent où l’on rencontre des géants et des ogres. « Et il renverse un peu tout cela, il se l’approprie et crée son propre univers. Les petits monstres de Léopold Chauveau sont très naturels, très simples. Ils sont fondés sur la symétrie. Ils ont deux
yeux, un nez, une bouche. Il aurait pu créer des monstres à trois têtes, avec cinquante yeux, trois nez, comme certains enfants les dessinent, mais au contraire il a des monstres qui sont très rationnels, qui ressemblent à des animaux, des plantes, des minéraux, des cellules, des humains, qui se raccrochent à des choses que l’on connait et donc ils sont à la fois étranges et singuliers »
Léopold Chauveau avait une vraie connivence avec les
enfants comme une reconnaissance tacite. Avant même de se mettre à la sculpture de ses personnages, il écrit des histoires pour ses enfants, en particulier pour son fils Renaud qui, même après sa disparition, restera présent dans ses contes tout au long de sa vie.
Ses contes n’édulcorent pas la réalité. La maladie et la mort sont présentes, car Léopold Chauveau considérait les enfants comme des égaux, une conception très moderne pour Leïla Jarbouai : « Ces histoires sont basées sur l’humour noir, la mort est omniprésente, il n’y a pas de censure mais c’est l’univers des enfants, ce n’est pas du tout tabou pour eux. Mais il y a une distance grâce à l’humour et au regard enfantin parce que dans ses livres, il y a toujours l’intervention d’un enfant qui dialogue avec le narrateur. Léopold Chauveau a eu une enfance assez dure et son univers est fondé sur la révolte et la confiance donnée aux enfants et à leur capacité créatrice. Les enfants sont vraiment considérés comme des alter ego, des amis, des complices et pas du tout des personnes inférieures à qui inculquer quelque chose sans réciprocité. Il s’enrichit beaucoup de l’univers des enfants. »
Apprécié par l’artiste nabi Georges Lacombe, qui sera son ami et son mentor, par Cocteau, Gide ou Roger Martin-du-Gard, Léopold Chauveau, anticolonialiste et féministe, a créé des personnages fantastiques. Il a aussi illustré la Bible, le Roman de Renart et les Fables de La Fontaine. Dessins, sculptures, aquarelles sont vraiment des trésors à découvrir