« La Minute de Lili » : Marc Chagall chez les TPS/PS en 2023-24

En lien avec l’exposition « Chagall à l’œuvre » au Centre Pompidou, à laquelle plusieurs enfants se sont rendus en famille, nous nous sommes plongés dans l’univers de l’artiste.

Les enfants ont adoré les nombreuses anecdotes sur son enfance dans son petit village de Russie, au milieu de la nature, entouré d’animaux domestiques (chèvres, vaches, ânes, chevaux) et dans une famille très religieuse où la vie était rythmée par les cérémonies au cours desquelles la musique et la danse étaient très présentes. Autant de références que l’on retrouvera dans ses œuvres.

Ils ont particulièrement été interpellés par l’habitude surprenante de son oncle qui aimait se détendre en montant le soir sur le toit de sa maison pour jouer du violon. Pratique que Chagall lui-même adopta et qui inspira plusieurs des tableaux de l’artiste.

Les enfants ont été très impressionnés par les nombreux obstacles auxquels Chagall a dû faire face pour réaliser son désir de devenir peintre. En effet, ses parents ne s’intéressaient pas du tout à ses créations et ses sœurs n’avaient pas plus de considérations pour ses œuvres puisqu’elles n’hésitaient pas à utiliser ses toiles pour essuyer le plancher fraîchement lavé ! Même les professeurs de l’école de peinture à laquelle il était parvenu à convaincre ses parents de l’inscrire, critiquaient son travail. En effet, Chagall ne cherchait pas à reproduire fidèlement des portraits ou des paysages comme on le lui demandait. Il voulait représenter le monde tel qu’il le rêvait et non tel qu’il existait dans la réalité, ce qui ne correspondait pas du tout aux critères de valeur de ses enseignants aux attentes rigides.

Seule son amoureuse Bella le soutenait. Malgré tout, Chagall s’obstinait à faire de sa passion son métier. C’est pourquoi contre l’avis de ses parents (et les reproches encore plus méprisant des parents de sa bien-aimée) qui ne voyaient pour lui un avenir misérable s’il persistait à vouloir exercer cette profession, il partit sans argent tenter de faire reconnaitre son potentiel dans une grande école de Saint-Pétersbourg. Mais son style fantaisiste n’engendrait que de la réprobation. Il n’apparut dès lors plus qu’une seule possibilité à notre artiste incompris : tenter sa chance à Paris (capitale mondiale de l’art à l’époque).

Les enfants ont été touchés par le fait que c’est “chez eux” que le talent de Chagall fut enfin reconnu.

Même si ces débuts à Paris furent compliqués du fait qu’il ne parlait pas un mot de français et surtout faute de moyens pécuniers, il eut le privilège de s’installer à « la Ruche » (lieu financé par un sculpteur renommé en ce temps pour accueillir des artistes prometteurs mais sans le sou). Il y rencontra des personnes sensibles à la qualité et à l’originalité de son travail, qui lui apportèrent un grand soutien moral. Je leur ai notamment parlé de deux d’entre eux : Guillaume Apollinaire (avec ses fameux calligrammes mêlant le texte et le dessin) et Blaise Cendras.  Les enfants ont beaucoup apprécié leurs poèmes au point d’en connaitre certains par cœur !

Malheureusement, au moment où un marchand d’art allemand découvre les œuvres de Chagall et lui propose de venir les exposer dans sa galerie, la Première Guerre Mondiale éclate. Le projet ne peut se concrétiser et notre artiste malchanceux est contrait de revenir précipitamment en Russie. Les enfants dépités pour lui furent néanmoins soulager d’apprendre que Chagall ne fut pas mobilisé sur le front et put profiter de son retour en Russie pour épouser sa chère Bella.

La guerre finie, les enfants crurent que l’avenir allait enfin s’annoncer radieux pour notre peintre. Rien ne fut pourtant simple malgré de belles promesses. Tout d’abord, les autorités politiques de son pays après lui avoir confié un poste à priori intéressant dans le domaine de la culture, n’apprécièrent pas ses projets dont les objectifs étaient loin de correspondre aux leurs (mettre en avant la puissance et la gloire des dirigeants du nouveau régime russe issu de la révolution) et le limogèrent. Il trouva ensuite un poste auprès de petits orphelins de guerre à qui il tenta de redonner un peu de joie à travers la peinture. Mais cette mission étant considérée comme de peu d’importance, Chagall est trop peu rémunéré pour subvenir correctement aux besoins de sa famille (qui s’est agrandie avec la naissance d’une petite Ida).

Il décide donc de repartir à Paris où ses amis lui assurent qu’il n’aura aucune difficulté à vendre ses toiles, emmenant cette fois-ci avec lui femme et enfant. Et, effectivement, le succès est au rendez-vous ! Mais le sort s’acharne sur Chagall et notre petit groupe découvre effaré qu’une deuxième guerre mondiale déchire l’Europe et que cette fois-ci leur “ami ”doit se résoudre à fuir aux Etats-Unis pour protéger sa vie mais aussi celle de son épouse et leur petite fille.

Chagall embarque donc sur un paquebot en direction de New-York ; il doit à nouveau recommencer sa vie dans un pays avec lequel il n’a aucune attache et dont il ne parle pas la langue.

Heureusement pour notre héros, son talent est reconnu et on lui propose des projets enrichissants en collaboration notamment avec de célèbres compagnies de danse qui font appel à lui pour dessiner les décors et costumes de leurs spectacles.

La vie de Chagall est loin d’être un long fleuve tranquille et s’est avec consternation que les enfants apprennent qu’un drame bouleverse à nouveau son existence : Bella, son grand amour, meurt brutalement d’une maladie incurable. Son chagrin est tel qu’il n’a plus goût à rien, même à peindre. Les enfants très attachés désormais à l’artiste furent émus de découvrir que c’est un projet artistique pour un ballet (lui qui aimait tant quand danse et musique ne faisait qu’un) qui lui redonna l’envie de créer et de renouer avec la beauté de la vie. Ils furent d’autant plus attendris d’apprendre que le thème de ce ballet était issus d’un célèbre conte russe « L’Oiseau de Feu », ramenant leur ami aux souvenirs heureux de sa tendre jeunesse.

Les enfants ont admiré les dessins que Chagall a ainsi réalisés pour les décors et costumes de « l’Oiseau de Feu ».  Les tenues créées pour les monstres du terrible sorcier Kastcheï les interpellèrent particulièrement car elles sont directement inspirées des statuettes traditionnelles (katchinas) de la tribu des indiens Hopi.  Or, nous nous sommes longuement intéressés à ces objets fétiches, utilisées lors des cérémonies rituelles pour invoquer la pluie, dans le cadre de notre thématique sur l’Eau. Les enfants, qui ont adoré l’épopée incroyable du courageux prince Ivan Tsarévitch tombé sous le charme de la belle captive Vassilia, ont réalisé de nombreux tableaux illustrant les divers moments clé de l’histoire de « l’Oiseau de Feu », dont ils ont eu tant de plaisir par ailleurs à interpréter les aventures dans leurs multiples jeux de rôles improvisés.

La petite troupe de “fans” fut heureuse de savoir que, la guerre terminée, leur artiste choisit de revenir en France et s’installa dans le midi. Nombreux sont ceux qui désirent d’ailleurs se rendre à Nice pour visiter le musée qui lui est dédié. Ils sont également très nombreux à souhaiter aller à l’Opéra Garnier pour pouvoir contempler le célère plafond repeint par Chagall et qui souleva tant d’indignation avant de recevoir les louanges du public. Les enfants ont été très affectés par les critiques virulentes auxquelles leur “ami” dut faire face, mais aussi ont été très admirateurs de sa ténacité face aux jugements préconçus.

C’est avec fierté que les enfants ont présenté à leurs parents les créations qu’ils avaient réalisées en s’inspirant des codes de l’artiste. Pour eux comme pour Chagall, la peinture ouvre accès à un monde magique où leurs rêves peuvent prendre forme, où ils sont totalement libres de s’exprimer.

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